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Gouvernance humaine à l’ère de l’IA : 7 repères qui tiennent encore

utilisation de l'ia.

Il y a quelques mois, un conseil d’administration d’un organisme économique m’a demandé : « Marco, avec tout ce que l’IA promet, est-ce qu’on aura encore besoin d’un DG humain dans cinq ans ? »

La question m’a fait sourire. Non pas parce qu’elle est farfelue, mais parce qu’elle révèle un glissement que je vois partout : celui où la performance technologique semble vouloir remplacer le discernement collectif. Or, la gouvernance, la vraie, ne repose pas sur la rapidité d’un calcul. Elle repose sur la lenteur intelligente d’une réflexion partagée.

L’intelligence artificielle peut traiter, anticiper, comparer. Mais elle ne peut pas s’engager. Et c’est là que l’humain reste au centre. Voici sept repères qui, malgré les révolutions technologiques, tiennent encore et tiendront longtemps.

  1. Le sens avant la donnée : L’IA adore les chiffres ; elle les croise, les prédit, les pondère. Mais une organisation n’est pas un tableur Excel : c’est une intention vivante.

Prenons l’exemple d’un OBNL en santé mentale qui a voulu automatiser ses suivis d’impact avec un outil d’analyse prédictive. Résultat : des courbes impressionnantes, mais un CA incapable de répondre à la question simple : « Est-ce qu’on a réellement aidé les gens ? »

Les chiffres disaient oui, le terrain disait « pas tant ». Le premier repère reste donc celui du sens : la mission avant la métrique, la cohérence avant la performance.

  1. La confiance avant l’efficacité : Une présidente d’un regroupement culturel m’a confié : « Nos réunions sont devenues parfaites sur Teams, mais froides. On se comprend moins. »

Ce n’est pas la technologie qui est en cause, mais la perte du lien. La gouvernance humaine repose sur la confiance, pas sur l’efficacité mécanique. L’IA peut aider à préparer un ordre du jour ou résumer une rencontre, mais elle ne remplacera jamais la poignée de main sincère, ni le regard qui dit : « Je t’écoute vraiment. »

  1. L’intelligence collective avant l’intelligence artificielle : Dans un OBNL que j’accompagne, un dirigeant m’a demandé d’intégrer ChatGPT dans ses processus de planification. Résultat : l’outil a proposé une stratégie brillante… mais personne n’y croyait.

Pourquoi ? Parce qu’elle n’était pas co-créée. La gouvernance humaine repose sur le cerveau collectif, pas sur un moteur de prédiction. Quand dix personnes réfléchissent ensemble, ce n’est pas dix fois plus d’intelligence ; c’est une nouvelle intelligence qui naît. Aucune IA ne peut la générer, car elle vient du frottement, du désaccord, du rire, du doute.

  1. L’éthique avant l’algorithme : Les conseils d’administration sont appelés à prendre des décisions où l’éthique précède la logique. Un organisme environnemental a récemment refusé une subvention majeure, parce que l’entreprise donatrice n’était pas alignée avec ses valeurs.

L’IA aurait dit : « Prenez l’argent. » Mais la gouvernance humaine a dit : « Non, parce que notre crédibilité vaut plus que ce chèque. » Ce genre de choix ne se code pas. Il s’incarne.

  1. L’écoute avant la réponse : Les DG et les président·es que j’accompagne se plaignent souvent : « Nos membres veulent des réponses instantanées. » L’IA peut en donner, bien sûr. Mais l’écoute, la vraie, prend du temps.

Un CA qui écoute sincèrement une direction avant de juger ses résultats démontre de la maturité. Et une direction qui écoute les inquiétudes du CA, même injustifiées, démontre de la sagesse. L’écoute demeure un pilier : c’est elle qui transforme une structure de gouvernance en un organisme vivant.

  1. Le courage avant le confort : L’IA peut nous rendre paresseux : elle réduit le risque, gomme les incertitudes. Mais une bonne gouvernance exige du courage.

Courage de dire non à la facilité.
Courage de réviser un plan stratégique quand il ne colle plus à la réalité.
Courage d’affronter les tensions internes, au lieu de les masquer sous des rapports bien rédigés.

Un CA qui délègue tout à des indicateurs, sans jamais oser questionner le sens, devient un tableau de bord vide d’âme. Le courage, lui, garde la flamme.

  1. L’humilité avant le contrôle : La dernière fois qu’un CA m’a demandé : « Comment être sûr qu’on contrôle bien notre DG ? », j’ai répondu : « Et si vous commenciez par la comprendre ? »

La gouvernance humaine repose sur l’humilité. Reconnaître que la direction générale a des zones que le CA ne maîtrise pas, que la société change plus vite que nos réflexes, et que personne n’a toute la vérité. L’humilité, c’est la conscience que la gouvernance n’est pas un pouvoir, mais un service : celui de faire grandir l’organisation, pas son ego collectif.

Et maintenant ? L’IA s’installe partout, et elle est bienvenue. Elle peut alléger, structurer, accélérer. Mais si elle prend toute la place, on perd l’essentiel : le jugement humain, cette faculté de tenir compte du sens, de l’émotion, de la nuance.

La gouvernance humaine ne s’oppose pas à l’intelligence artificielle ; elle l’encadre. Elle la met à sa juste place : celle d’un outil, pas d’un repère moral. Ce que l’IA nous oblige à faire, c’est redécouvrir la valeur de ce que nous faisions déjà bien, parfois sans le savoir : écouter, réfléchir ensemble, choisir avec discernement, et se rappeler pourquoi on fait tout ça.

En conclusion : L’ère de l’IA ne rend pas la gouvernance obsolète. Elle la révèle.
Elle nous rappelle que derrière chaque donnée, il y a une personne. Et que derrière chaque décision, il y a un nous, fragile, imparfait, mais profondément humain. Bonne intégration.

Marco Baron, consultant et formateur en Gouvernance Stratégique®

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